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Section sous la responsabilité de
Vincent Lavoie

Définie comme une « idéologie visuelle » naissant d’un contexte socio-culturel dominé par Internet, les réseau sociaux et la téléphonie mobile, la post-photographie est moins un mouvement artistique qu’un concept visant à s’interroger sur l’identité de la photographie et la place de l’image dans la société contemporaine. Si l’ère post-photographique se caractérise par la production massive et la circulation intensive des images, elle renvoie aussi à l’apparition d’une nouvelle génération d’amateurs et d’une multitude de nouvelles pratiques autour de l’image.

C’est dans cette tendance que s’inscrit l’œuvre de Felix Heyes et Benjamin West, Google, Volume 1, ouvrage insolite paru en 2013 aux éditions Jean Boîte, spécialisées en livres de photographies, recueils de poésie et autres « curiosités contemporaines ».

Pour leur projet de fin d’étude à la Saint Martins School of Art de Londres, les deux artistes ont l’idée de collecter manuellement les images que le moteur de recherche Google Image propose pour chaque mot présent dans le Oxford English Pocket Dictionary. Ils choisissent systématiquement la première image proposée qui correspond, selon la charte Google, au résultat le plus pertinent à la requête. Respectant l’ordre alphabétique, ils reconstituent ensuite un dictionnaire dans lequel les mots sont remplacés par des images.

Le principal outil de création des artistes a été non pas un dispositif de prise de vue visant à créer des images, mais le moteur de recherche regroupant toutes les images du web. Ce processus d’appropriation permet de donner du sens à des images qui s’en étaient trouvées dépourvues, mais surtout de participer à une écologie visuelle visant à limiter leur production et de mettre en évidence leur accessibilité excessive et leur circulation infinie.

La surabondance des images à laquelle nous sommes tous confrontés au quotidien est à la fois la matière première de cette œuvre et son sujet.

Les auteurs confèrent à toutes ces images numériques une matérialité, et quelle matérialité! Malgré la sélection d’une seule image par mot, l’ouvrage, par son format, son poids et sa mise en page (une quinzaine d’images en moyenne par page), traduit physiquement la surabondance des images. Google, Volume 1 nous en fait sentir littéralement le poids.

Pour citer

LEANDRI, Julia. 2016. « Google, Volume 1 », Captures, vol. 1, no 1 (mai), section contrepoints « Post-photographie? ». En ligne : revuecaptures.org/node/279