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Section sous la responsabilité de
Véronique Cnockaert

La Linea, série télévisée créée en 1969 par Osvaldo Cavandoli, est apparue en concomitance avec la naissance de ce qui allait être nommé « la ligne italienne », qui identifie le « design italien » tourné vers la conception d’un mobilier d’intérieur et industriel et que l’on reconnaît à sa ligne pure, élancée, svelte. Monsieur Linea, alias Balou, semble sorti d’un tiroir de ce mobilier dont il conserve l’intention : efficace et minimale. Cependant, plus souvent qu’autrement, le personnage avance en grommelant, ses exigences trouvant souvent à redire dans le geste de son créateur. Pris entre le vide et le plein d’un réel particulier, le sien, il avance de profil, du moins à nos yeux, ce qui d’emblée le fait apparaître comme l’exemple animé du pouvoir de la ligne qui anime ce dossier. C’est un fait que ce personnage incarne par le mouvement ce qu’il symbolise : la vie n’est que lignes et tracés. En effet, la disparation de la ligne qui clôt chaque épisode, emporte avec elle ce héros fragile, qui ne tient qu’à un fil et qui alors se volatilise. Dès lors, son absence, ironiquement, rappelle la place essentielle, voire vitale, de la ligne : gommez-la et le monde expire — comme Monsieur Linea —, semble nous dire chacun des scénarios envisagés.

La série, qui multiplie les événements quotidiens et cocasses du personnage, est donc à prendre au sérieux. Le tracé sans ombre souligne le caractère impérieux de la ligne, son importance, sa densité. Indifférent à ceux qui le regardent évoluer, Monsieur Linea semble maître de son destin par ses nombreuses injonctions, mais personne n’est dupe de la dialectique « maître-esclave » qu’il entretient avec son créateur et avec le crayon de ce dernier. C’est là que se situe la nature hautement philosophique de la série. Toutes les prises de risque de cet étonnant personnage qui ne cesse de trottiner malgré le vide qui lui fait face, dans une confiance absolue, alors que la mort le coince à chaque fois, rappellent et ravivent le lien que nous entretenons avec le destin qui n’a de poids que celui qu’on lui octroie et dont le tracé absolu et directeur ne peut se soutenir que du désir que les individus ont d’avancer.

Ainsi Monsieur Linea________________________________________________.

Pour citer

CNOCKAERT, Véronique. 2017. « La Linea », Captures, vol. 2, no 2 (novembre), section contrepoints « Imaginaire de la ligne ». En ligne : revuecaptures.org/node/984