Dans son « VLOG » ou « vidéo-journal », l’écrivain et agitateur littéraire François Bon se met en scène en de courtes vidéos « entre 5 et 10 minutes pas plus », qu’il met en ligne « aussi souvent que possible ». Sa chaîne Youtube, ouverte en 2006, le montre ainsi partir à la découverte de San Francisco, errer dans Tokyo, explorer une braderie de livres, une chambre d’hôtel de Cergy, ou encore se confier sur son rapport à l’automobile dans un étonnant « Blues de la voiture pétée un dimanche matin sur la rocade de Tours ».
S’y affiche aussi son goût pour les couloirs labyrinthiques des nombreuses institutions où il est invité. La vidéo à la fois drôle et inquiétante « Vous serez au calme pour écrire. Un palais idéal pour les auteurs » le montre s’imaginant enfermé en résidence d’écriture pour une durée indéterminée tandis que défile un long plan séquence dans les méandres d’un bâtiment moderne, jusqu’à un appel à l’aide final incrusté dans l’image.
Composé à ce jour de 180 vidéos, ce Vlog mêle textes écrits et voix souvent soigneusement mis en musique. S’y ajoutent plusieurs « playlists », les attendus « ateliers d’écriture », pour lesquels l’écrivain est aujourd’hui internationalement reconnu; les « lectures et services presse », où il commente les livres reçus; les « villes, dérives, monde », où il explore en images les thèmes les plus prégnants de son œuvre (la route et la ville); une série « Prières et chants », où l’on trouve un émouvant pèlerinage sur les traces de Jack London; ainsi qu’une série surprenante de 37 vidéos, « le tour de Tours par ses ronds-points ».
Les familiers du « Tiers Livre » — la plateforme principale où l’activité de François Bon s’expose en ligne — ne s’étonneront pas de voir l’écrivain accueillir sur sa chaîne Youtube d’autres vidéos qu’il apprécie, ni de voir ses images intelligemment commentées par la communauté qui est celle du Tiers Livre, la création de plateformes ouvertes étant pour lui une habitude, presque une spécialité.
Ces vidéos sont empreintes du ton autobiographique si particulier à François Bon, et l’on y retrouve son enthousiasme à manipuler des livres, à explorer une bibliothèque et sa jubilation à montrer la littérature, qui explique sans doute en partie sa « reconversion » à la vidéo. Son Vlog prolonge ainsi de précédentes mises en scène de soi en passeur de livres, comme celle de l’émission Qu'est ce qu'elle dit Zazie où, en 1994, il évoquait Beckett, livres en main, devant sa propre bibliothèque.
Le dernier avatar de François Bon, déjà très présent sur Facebook, Twitter ou Instagram, interroge aussi la façon dont les écrivains se mettent en scène. Le statut indécidable de ses vidéos (s’agit-il de son travail d’écrivain, d’un supplément, voire d’un à-côté de la littérature?) montre bien que s’effacent les frontières entre représentation, médiatisation et littérature.